Catalogues de vente par correspondance : les plus anciens à découvrir !

En 1875, un imprimeur lyonnais fait circuler un livret de commandes de trente pages, destiné aux ruraux ne pouvant se rendre en ville. Contrairement à la croyance populaire, le modèle français s’inspire d’initiatives venues des États-Unis, mais s’en distingue rapidement par la diversité des produits proposés et l’adaptation au territoire.

Le développement du commerce par correspondance en France n’a rien d’un long fleuve tranquille. Des catalogues voient le jour, s’éclipsent parfois en silence, tandis que d’autres deviennent des piliers du quotidien pour des générations entières. Certaines marques, aujourd’hui passées sous le radar, ont pourtant profondément modifié la façon de consommer des foyers français.

Quand les catalogues de vente par correspondance révolutionnaient le quotidien

À la fin du XIXe siècle, la vente à distance s’installe peu à peu dans le paysage français, portée par l’ambition de toucher des clients éloignés des grandes villes. Feuilleter un catalogue papier devient vite une habitude dans les campagnes, bien avant l’apparition des grandes surfaces. Ces premiers catalogues, souvent volumineux et illustrés, offrent un accès inédit à des produits aussi variés que le linge de maison ou l’outillage agricole.

La production de masse prend son envol, les réseaux de distribution se densifient, et la vente par correspondance s’impose comme un marqueur de modernité dans la France des années 1920 et 1930. Les pages des catalogues racontent une époque : elles témoignent de l’évolution des goûts, des styles et des envies. Les illustrateurs rivalisent d’audace pour attirer l’œil et déclencher l’achat.

Ces catalogues ont profondément transformé les habitudes d’achat. À une époque où les magasins restent concentrés dans les centres-villes, ils élargissent l’horizon de la consommation à tous, sans distinction de lieu. Ils nourrissent l’imaginaire, gomment peu à peu la frontière entre ville et campagne et annoncent l’avènement d’une vente à distance qui saura s’adapter à chaque mutation jusqu’à l’ère du numérique.

Voici quelques grandes dimensions qui illustrent ce bouleversement :

  • Vente par correspondance : innovation du XIXe siècle qui change la donne
  • Catalogue papier : outil qui rend l’achat accessible à tous
  • Transformation des modes de distribution sur le territoire français

Quels sont les plus anciens catalogues à avoir marqué la France ?

Le catalogue de vente par correspondance s’enracine dans l’histoire hexagonale bien avant l’ère du digital. Sur ce terrain, quelques pionniers ont laissé une empreinte profonde. Prenons La Redoute, fondée à Roubaix en 1837 par Joseph Pollet, qui lance dès 1928 son premier catalogue : un tournant discret mais décisif qui assoit la réputation de la marque dans l’univers de la vente par correspondance. Son ancrage dans la tradition textile du Nord, allié à une capacité d’innovation, lui permet d’inspirer le secteur.

Dans la foulée, les 3 Suisses, créées en 1932 par Xavier Toulemonde, marquent à leur tour le paysage. Leur catalogue, envoyé à grande échelle, démocratise l’accès à la mode, au linge de maison, à l’électroménager. Attendu à chaque saison, il modifie durablement la relation aux biens de consommation dans l’Hexagone.

Impossible d’occulter Manufrance, célèbre pour ses armes et équipements sportifs, dont le catalogue volumineux devient vite une référence, surtout dans les milieux ruraux privés d’accès aux produits spécialisés. Damart, avec sa fibre Thermolactyl et un pari résolu sur la vente à distance, s’impose aussi comme un acteur singulier de cette révolution commerciale.

Pour mieux cerner ces pionniers, voici les figures marquantes de l’histoire du catalogue français :

  • La Redoute : premier catalogue en 1928, enracinée à Roubaix
  • 3 Suisses : lancement du catalogue en 1932, accès élargi à la mode
  • Manufrance : référence pour l’outillage et le matériel sportif
  • Damart : diffusion du Thermolactyl grâce à la vente à distance

Des objets cultes et images d’époque qui font renaître la nostalgie

Le catalogue papier n’est jamais seulement un registre de produits. Il traverse les générations, témoin des évolutions de la société et des modes de vie. Sur ses pages épaisses défilent la mode des années 50, les robes virevoltantes, les tailleurs soignés, et les premiers appareils électroménagers, reflets d’une France tournée vers le confort et la modernité. Les anciens « big books » de La Redoute ou des 3 Suisses se feuillettent aujourd’hui comme on revisite un album de famille : chaque mannequin figé, chaque pose étudiée raconte un pan du quotidien d’autrefois. Le choix d’un manteau ou d’un appareil à raclette prenait alors une dimension collective, souvent rituelle.

Chaque article met en lumière une époque précise : le Thermolactyl de Damart, omniprésent dès les premières pages, incarne l’innovation textile au service du bien-être. Les planches illustrées de Manufrance, qui évoquent presque un inventaire poétique, rassemblent des objets du quotidien, épingles, bobines, outils agricoles, dans une scénographie soignée jusque dans la typographie. Le souvenir de ces pages façonne une mémoire partagée.

Avec l’essor des sites web, le catalogue imprimé a reculé, mais il conserve une aura particulière. Il évoque une période où commander à distance rimait avec patience, attente du passage du facteur, plaisir d’imaginer l’arrivée d’une nouveauté. Aujourd’hui, les collectionneurs fouillent les brocantes à la recherche de ces témoins du passé, fascinés par le charme tangible d’un objet disparu des boîtes aux lettres mais pas des souvenirs.

Jeune femme sur une terrasse regardant des catalogues anciens

L’héritage culturel des catalogues : une influence toujours présente

La vente par correspondance a laissé bien plus qu’un souvenir dans les habitudes d’achat. Ces catalogues, véritables précurseurs de la vente à distance, ont posé les bases de la modernité commerciale. On retrouve encore leur influence dans le paysage du commerce en ligne, avec des interfaces qui s’inspirent de leurs mises en page, de leurs descriptions détaillées et de la promesse d’un choix généreux. Sur un site web ou une marketplace, la navigation par rubriques, les recommandations et la personnalisation des offres revisitent les codes nés avec la VPC.

La transition numérique n’a pas effacé cette empreinte. La Redoute, passée du catalogue papier à la plateforme digitale, incarne ce passage d’une époque à l’autre. Désormais propriété des Galeries Lafayette, la marque a modernisé son organisation logistique autour d’un entrepôt automatisé à Wattrelos, emploie aujourd’hui 2 000 personnes, loin de ses effectifs historiques, mais toujours en mouvement. D’autres acteurs comme Cdiscount, PriceMinister ou Fnac.com poursuivent cette histoire à leur manière, prolongeant la logique d’inventaire chère aux catalogues d’antan.

Le rythme de l’innovation s’accélère : intelligence artificielle, réalité augmentée, Web 3.0, Metaverse… chaque avancée technologique ajoute une nouvelle dimension au commerce tout en perpétuant l’héritage graphique, logistique et relationnel du catalogue. Les drive piéton, initiés par Cora et repris par Leclerc, Auchan ou Carrefour, adaptent le principe du choix à distance à la ville, offrant presque l’immédiateté. L’heure est à la personnalisation et à l’omnicanalité : le catalogue n’a pas tiré sa révérence, il a simplement changé de forme.

Feuilleter aujourd’hui un vieux catalogue, c’est ouvrir une fenêtre sur la France d’hier et deviner, dans le miroir du passé, la silhouette du commerce de demain.

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